abc Jules Ferry

Chapitre n°9 : Espionnage.

Très loin de là sur la planète Mars, les humains installés confortablement sur leur planète de secours n'avaient aucune idée de ce qui pouvait se passer sur la Terre. Certes, par nostalgie, ils envoyaient un drone espion sur Terre tous les ans pour les avertir d'une éventuelle amélioration de la planète. Jusqu'à présent en une petite centaine d'années, les conditions de la Terre se sont effectivement améliorées mais elle reste moins agréable à vivre que Mars depuis sa terraformation. Chaque jour, l'autotéléjournal diffuse un bulletin d'informations automatique sur les écrans des humains. Quand le drone espion revient chaque année un petit bilan, juste avant Noël, de l'état la Terre, la planète mère, est diffusé. Or, justement, le drone espion vient de revenir cette semaine-là.

Les machines d'archivages automatiques sélectionnent les informations les plus intéressantes selon les critères définis par le néo-gouvernement de l'humanité en exil, dont le drapeau est une navette spatiale jaune sur un fond noir accompagnée de cinq étoiles en souvenis des cinq continents de la Terre originelle. Cette semaine, le bilan annuel terrestre est attendu par toute l'humanité. Quand les premières images passent sur les écrans holographiques en trois dimensions, les humains s'offusquent immédiatement. La population restée sur terre déjà copieusement décimée par les conflits et les épidémies semble tombée sous le joug d'un pouvoir extraterrestre. Leur frères humains, déjà moins chanceux, jouent encore une fois de malchance. La solidarité, si souvent évoquée, mais encore jamais mise en application, devient alors une évidence.  L'humanité en exil doit absolument venir en aide à la population restée sur Terre. Mais les humains de Mars évitent soigneusement de se précipiter. Si le néo-gouvernement décide immédiatement l'ouverture de crédits pour l'envoi d'une navette de secours, les chercheurs les plus éminents, quant à eux, sont mis à contribution pour découvrir une arme efficace sur la possession extraterrestre.

Dans les laboratoires d'état, toutes  les autres recherches sont interrompues.  Les images de « douche possessive » sous le rayon lumineux passent en boucle. Les théories les plus folles sont avancées, testées, puis écartées ou validées. Après deux mois de recherche, une sorte de capsule noire visqueuse est mise au point. Elle  doit, selon les spécialistes, séparer l'âme Uragnomienne du corps humain. De plus de nombreuses rumeurs circulent maintenant sur la possible volonté des âmes d'Uragnome de s'emparer également des corps de la planète Mars. La population inquiète favorise grandement la formation d'une armée de soutien prête à embarquer pour la Terre soutenir les humains. Un détachement de plus de dix mille hommes est prêt deux semaines plus tard, en partance, pour la Terre.  Enfin, deux nouveaux mois de voyage permettent à cette force d'action de prendre pied sur Terre à quelques kilomètres seulement  de la maison mère des Uragnomiens.

De leur côté, les Uragnomiens réunissent une fois de plus leur grand conseil des neuf sages en présence du général Soax. Des antennes placées sur la maison mère ont repéré l'arrivée imminente d'une navette sur Terre, il semble qu'il s'agisse d'une navette à caractère militaire venue en découdre avec eux. Pour Soax ce n'est pas un problème mais plutôt une solution. Car ces nouveaux arrivants peuvent permettre de récupérer de nouveaux corps pour les âmes voyageuses encore prisonnières du rayon lumineux. Mais les sages tempèrent ses ardeurs en lui faisant prendre conscience du caractère urgent et imminent d'un conflit armé. Ils décident donc de se préparer avec des armes plus puissantes et mortelles pour ces nouveaux arrivants.

Les semaines qui suivent sont un véritable carnage, les offensives se succèdent sans apporter un avantage évident à un camp ou à l'autre. Côté humain, près d'un millier d'hommes ont péri sous les tirs des fusils UG 300. Côté Uragnomien, plus de neuf cents âmes sont retournées au rayon lumineux perdant le corps de leur hôte. Ces humains libérés sont immédiatement affranchis et recyclés comme nouveaux soldats pour la défense des Terriens.     

Les états-majors des deux côtés n'imaginent pas continuer ainsi et cherchent une solution plus rapide au conflit. Mais les embuscades, les missions et les batailles se succèdent toujours avec des résultats aussi peu concluants. Bref la situation semble bloquée, mais comment la vivent nos deux jeunes héros ?

Mélody, libre d'aller et venir dans la maison mère après ses « exploits » face au général Soax, ne sort que très peu. N'étant plus chef de l'armée, elle ne participe pas vraiment au conflit et termine sa convalescence dans le quartier des soins. Elle pense souvent à Evans qu'une part d'elle-même considère toujours comme son ami. Mais elle se refuse à aller vers lui. Elle vivrait maintenant cela comme une réelle trahison envers les  siens et de son côté Trésax s'y refuse.

Evans, lui, a vu arriver l'intervention des humains de Mars, comme un retour à l'espoir. Dans un premier temps il les a observés de loin, puis s'approchant il est entré en contact avec leur commandement et a même prêté main forte aux expéditions, grâce à ses connaissances du terrain. Son pouvoir de chimère ne s'étant pas manifesté à nouveau, il reste toutefois à l'écart des combats armés. Les humains intrigués par son histoire le protègent et étudient de près ses faits et gestes. Mais pour les anciens habitants de son village libéré, il est le résistant, le héros qui seul s'est opposé des mois à l'invasion des Uragnomiens. Evans a pourtant quelques pensées secrètes : il espère revoir Mélody et il souhaite également que sa famille, elle aussi, soit libérée de la possession. Mais la situation s'enlise, et ses espoirs diminuent. Il ne parvient toujours pas à comprendre pourquoi Mélody ne l'a pas livré aux forces de son peuple quand cela était possible…